Pistig est le seul l’un des très rares mots bretons recensés à ce jour dans le créole de la Réunion. Il désigne le poisson-pierre dont la piqûre, très douloureuse, peut être mortelle.
On comprendra mieux pourquoi ce poisson dangereux porte ce nom. En effet, pistig(où) en breton signifie élancement, point de côté, piqûre.
Comment et quand le mot est apparu dans le créole, mystère !
Nom vernaculaire : Pistig
Nom commun : Poisson-pierre
Nom scientifique : Synanceia verrucosa Bloch et Schneider, 1801
Ordre : Scorpaeniformes
Sous-ordre : Scorpaenoidei
Famille : Synanceiidae ou Scorpaenidae
Genre : Synanceia
Pistig ? Jamais entendu à la Réunion. (Mais il est vrai que je n’y ai vécu que quatre ans environ.) Le mot ne figure en tous cas pas dans Le français de la Réunion de Michel Beniamino – http://www.bibliotheque.auf.org/index.php?lvl=notice_display&id=279
À Maurice le poisson-pierre est appelé laffe, mot d’origine malgache. En revanche le nom local du calmar est d’origine bretonne : mourgate, du breton morgad, seiche (Contribution à un inventaire des particularités lexicales du français de l’île Maurice, Didier de Robillard).
Pistig est surtout connu dans la région de l’Étang-Salé même si ce mot est de moins en moins connu.
Quant à laffe, je ne l’ai trouvé que dans le glossaire d’Albany (Réunion). Si ce mot est considéré d’origine malgache, je ne l’ai rencontré dans aucun dictionnaire malgache (merina ou dialectal).
Enfin, mea culpa, morgade / morgate (petite seiche servant d’appât), existe — existait ? — à la Réunion. Les deux graphies se retrouvent comme en breton : morgad et morgat qui signifie effectivement seiche.
On peut regretter que de nombreux mots se perdent. Ils sont généralement inconnus des nouvelles générations.
Y aurait-il eu un peuplement breton particulier à l’Étang-Salé ? (Les Angevins, eux, se seraient établis plus au sud. :-))
Pour ce qui est du laffe, attesté à Maurice depuis 1880 mais probablement bien plus ancien, Baker & Hookoomsing citent comme origine le mot malgache lafa, mentionnée selon eux dans A New Malagasy-English Dictionary de James Richardson (London Missionary Society, 1885). On retrouve le même mot, sous la graphie lâfa dans le Dictionnaire étymologique des créoles français de l’océan Indien d’Annegret Bollée, laquelle précise que laf est utilisé à Rodrigues et aux Seychelles aussi, ce qui n’a rien d’étonnant en soi.
Quant à la mourgate, elle est bien vivante — et même qu’elle se débat beaucoup en vous projetant dessus des jets d’encre dès qu’on la sort de l’eau.
PS — je ne l’ai rencontré dans aucun dictionnaire malgache (merina ou dialectal)
Il arrive que les mots malgaches eux-mêmes disparaissent, ou changent de sens. Par exemple le mot mauricien maf, mou, spongieux, blet, vient du malgache mafy, mot qui aujourd’hui signifie “dur”.
Le mot maf existe aussi à la Réunion avec le sens de fade, mal cuit. En malgache il signifie effectivement « dur », mais « mou » dans certains dialectes de la Grande Île ! Allez comprendre !