Tout le monde rêve, ou a des rêves. En principe. En revanche, combien peuvent se targuer d’avoir des visions ? Voici une petite explication sur la généalogie de ces termes.
Concernant le rêve, ce mot, qui dérive du verbe « rêver », est apparu en 1694. Il n’a aucune parenté étymologique avec les cousines du français. Contrairement à songe, du latin somnium, — qui a donné somni (catalan), sueño (espagnol), soño (galicien), sogno (italien) et sonho (portugais), — qui a cédé sa place à rêve.
« Rêver » est particulier, car il dérive de resver*, qui vient de l’ancien français re-, et esver, vagabonder (et même délirer), un sens qui perdurera jusqu’au XVe siècle. Esver viendrait soit du latin aestuare (être agité), soit du gallo-roman esvo (vagabond). Ce verbe continue donc de vagabonder tout seul, comme notre esprit pendant notre sommeil.
* « Cuidiés que dame à cuer vaillant Aint [aime] ung garçon fol et saillant, Qui s’en ira par nuit resver… » (Guillaume de Lorris et Jean Clopinel, dit Jean de Meung, Roman de la Rose, 1237-1280).
[« Le Roman de la Rose est une œuvre poétique de 22 000 vers octosyllabiques sous la forme d’un rêve allégorique. »]
Les rêves peuvent donc être une source d’insomnie, mais aussi d’inspiration pour ceux qui s’en souviennent à leur réveil. Mais de là a avoir des visions, ne rêvons pas ! Ou alors cela concerne qu’une infime minorité.
C’est aussi le latin qui nous a donné « vision », de visio (action de voir), de videre (voir). Le terme est apparu au XIIe siècle sous la graphie visiun signifiant « perception d’une réalité surnaturelle » :
« Une itel visiun li aveit Deus mustrée… (Garnier de Pont-Sainte-Maxence, la Vie de saint Thomas Becket, 1172-1174).
La graphie « vision » apparaît au XIIIe siècle et on la trouve dans le Roman de la Rose.
Ceci nous mènera à nous intéresser bientôt à Rêvisions.